La
25e édition du festival a commencé sous de bons auspices avec le
show sauvage du trio britannique.
Tranquillement,
le public est venu, mardi 17 avril, prendre le pouls du 25e Printemps
de Bourges : quatre concerts dans la même soirée, une
"Nuit de l'humour" au profit de Solidarité sida et le
versant électronique des découvertes du Réseau Printemps. Les allées
qui séparent chaque lieu de concert sont encore praticables.
Quelques zonards et des petits dealers repérables à deux cents mètres
se fondent dans le décor. Des familles, beaucoup de jeunes en
bandes souriantes et détendues jouent la flânerie.
Bourges,
carrefour exotique. Vendeurs de tambours, de tissus africains, de
bijoux, de posters, de T-shirts à l'effigie des stars du moment...
Les stands de boissons et sandwiches n'ont pas beaucoup
d'imagination : kebbabs, frites, churros, boissons gazeuses et
bières. Au Village public, à la Scène ouverte région Centre,
dans les cafés partenaires du festival, les apprentis rockers et
chanteurs jouent avec la vigueur du "grand soir", à défaut
d'être tout à fait originaux.
L'originalité,
justement, est ce qui aura manqué au groupe qui devait ouvrir le
festival à l'Igloo, vaste chapiteau, en première partie du trio
Placebo. Sneaker Pimps a bien écouté la grandiloquence de U2 et
les atmosphères vaporeuses de Radiohead. Mais la citation et le décalque
ne suffisent pas. Il y faut un petit supplément d'âme et casser le
moule. La bonne surprise a plutôt été créée par le culot et la
capacité à trousser des mélodies pop de Bertrand Burgalat. C'est
à La Hune, l'une des deux salles de la Maison de la culture - quand
l'Igloo aurait été pour lui un toit plus approprié - que
Burgalat et sa formation se produisaient avant la chanteuse Ingrid
Caven.
Bertrand
Burgalat, producteur, arrangeur, compositeur, fondateur de la
compagnie phonographique Tricatel, s'est décidé depuis quelque
temps à se placer sous les feux des projecteurs. Il a produit un
album de l'actrice Valérie Lemercier, a fait beaucoup rire en
transformant l'écrivain Michel Houellebecq en chanteur et a
participé au retour au disque d'Ingrid Caven, chanteuse et actrice
devenue personnage de roman. Burgalat, lui, est Burgalat. Ni plus ni
moins, avec une allure gainsbourienne 1960. Burgalat a de l'humour
("Si je me rencontrais au coin de la rue, je me dirais bonjour
Bertrand"), le goût de mêler les années pop britanniques et
le psychédélisme américain avec fraîcheur et subtilité.
Au pas de
course, redescente vers l'Igloo. Placebo en première ligne, l'un
des groupes vedettes d'un festival qui, depuis 1999, s'est réconcilié
avec lui-même en défrichant les dernières tendances musicales.
Placebo : trois mauvais garçons avec des gueules d'angelots.
Brian Molko, chanteur et guitariste, visage blanc craie, lèvres
noires, allure androgyne et voix haut perchée. Comme Michæl Stipe,
le leader chanteur de R.E.M. et Thom Yorke, celui de Radiohead,
Molko attire tous les regards. Charisme, mystère, ambiguïté. Avec
Stefan Oswald à la basse et Steve Hewitt à la batterie, Placebo
dynamise le format du trio. Sur disques, des ornementations
nourrissent des chansons où violence et mélancolie font bon ménage.
Sur scène, le son est plus compact, guitare cinglante, batterie
mouvante, basse rageuse.
Au bout d'une
vingtaine de minutes, Placebo amorce une légère décélération
avec Passive Agressive,extrait de leur troisième et récent album
Black Market Music.Si le trio - secondé par un instrumentiste
anonyme à tout faire - puise essentiellement dans cet opus
frondeur, il n'oublie pas ses premiers pas. My Sweet Prince, lent et
limpide, est ainsi extrait du second album, 36 Degrees ou Come
Homedu premier. Des lumières blanches aveuglantes, particulièrement
bien travaillées, accompagnent un show toujours près à déraper,
glorieux et sauvage.
Sylvain
Siclier |