Accueil > Presse > Têtu n°77 : avril 2003

 

 PLACEBO LOVES ROCK'N'ROLL

PLACEBO EST DE RETOUR, ET EN FORME, AVEC «SLEEPING WITH GHOSTS», SON
QUATRIEME ALBUM, RESOLUMENT ROCK. RENCONTRE AVEC DEUX DES MEMBRES DU GROUPE, BRIAN MOLKO ET STEFAN OLSDAL.

Il y a des groupes qui semblent avoir du mal à tenir la distance, Placebo n'est pas de ceux là. «Tout fonctionne de mieux en mieux : le song-writing, notre manière de jouer. Nous sommes aujourd'hui de meilleurs musiciens, et nous avons tous commencé à jouer d'autres instruments», sont heureux de nous confier Brian Molko et Stefan Olsdal, respectivement chanteur-guitariste et bassiste du groupe. Pour son quatrième album, Sleeping with ghost, Placebo a collaboré avec DJ Shadow et Jim Abiss, le producteur d'Unkle. Un choix qui peut paraître étonnant de prime abord, car l'un et l'autre ne sont pas vraiment connus pour leur côté rock. «Nous ne voulions pas travailler avec un producteur de rock américain, explique Brian. Cela aurait été trop évident. Nous ne voulions ni sonner nu-metal, ni enregistrer dans un studio des années 60 et sonner comme un groupe des seventies. Nous sommes fans du travail de Jim, de DJ Shadow et de Sneaker Pimps, de Massive Attack et de Björk. C'est ce que nous écoutons chez nous.»  Stefan et Brian confient d' ailleurs avoir un temps cédé aux sirènes de l'expérimentation électro. «Et puis nous sommes aller voir en concert les Queens of the Stone Age, et ça nous a rappelé qui nous étions, se souvient Brian. On s'est dit : "Merde, on est un groupe de rock !"» S'ils affirment être devenus plus sereins avec l'âge, Brian Molko, Stefan Olsdal et Steve Hewitt, le troisième membre du groupe, composent toujours des titres d'où se dégage un parfum de mélancolie, plus atténué toute fois que sur leur chef-d'oeuvre Without you I'm nothing, sorti en 1998. Cette tonalité vient principalement des paroles écrites par Brian. Le titre Sleeping with ghosts fait ainsi référence aux souvenirs (les «fantômes») de ses relations passées. «Quand j'écris des paroles, confie-t-il, je pense beaucoup aux relations que j'ai eues ces dix dernières années. J'essaie de comprendre pourquoi la majorité d'entre elles ont été si destructrices, si autodestructrices, afin d'être mieux préparé pour la suite, pour continuer à vivre et réessayer.» En quatre albums, Placebo a réussi à imposer un style : celui d'un rock amer et ironique, qui, à l'occasion, n'hésite pas à ouvrir sa gueule. Les membres du groupe n' ont jamais rechigné à parler de leur orientation sexuelle - «J'aimerais qu'on parle un peu moins de nos vies et un peu plus de notre musique», précise Stefan. Récemment, ils ont soutenu l'initiative de Massive Attack et de Blur contre la guerre en Irak. Pensent-ils, dans la lignée d'un Bowie, avoir influencé la culture gay en y injectant un peu de rock ? «Peut-être. Mais il y a encore du boulot, estime Brian. Aujourd'hui encore, les gays ne sont pas tendres avec les bisexuels. Quand j'ai découvert que j'étais attiré par les hommes, ça n'a fait qu'augmenter mon attraction pour les femmes.» A Stefan Olsdal, qui lui fait remarquer que certains pourraient être jaloux de lui
parce qu'il a le «meilleur des deux mondes», il répond : «Toi, quand tu es soûl, tu aimes toucher les seins des femmes.» et Stefan de répondre : «Oui, mais ce n'est pas sexuel, ça doit être en rapport avec ma mère. [rires]» «On a peut-être influencé la culture gay en montrant que, parfois, les gens qui ont un certain mode de vie peuvent être aussi ségrégationnistes que les autres. Ce que nous représentons, c'est la liberté et la tolérance», conclu Brian. Stefan ajoute que Placebo a fait partie d'un mouvement plus large qui a fait revenir le rock dans la culture gay : «Nous avons commencé en même temps que la soirée Popstarz [soirée pop-rock gay londonienne].» Aujourd' hui, Placebo fait partie des «grands groupes». Elton John a invité Brian Molko lors de son récent concert de charité au Lido. Soirée que le chanteur décrit comme «l'expérience ultime du kitsch parisien». «Elton m'a même embrassé sur la bouche !» lance-t-il en souriant. Rock-star, oui, mais pas du genre à attraper la grosse tête.

XAVIER HERAULT