Le
premier morceau de ce 1er album donne le ton. Come Home est tout
sauf calme. Agressif, nerveux, le morceau est instinctif et
rapide. La guitare saturée de Molko ne faiblit pas d'un iota, ses
riffs sont accrocheurs et vont droit au but. La première chose a
signaler, est la voix de Brian Molko qui reste reconnaissable des
les premiers mots. Une voix unique, totalement hallucinée qui,
dans ce premier morceau monte légèrement sur les répétitions
de 'Come Home!' Schultzberg est un batteur rapide, il donne de la
vivacité a l'ensemble. Come Home, malgré ses qualités énergétiques,
peut cependant lasser par sa durée a mon goût trop longue pour
un titre qui devrait passer comme une bombe en trois minutes. Mais
il est clair que lors des premières écoutes l'on ne pense pas
que le morceau fait quand même plus de 5 mn. Un titre prometteur
et speed, qui donne le ton et annonce un album de qualité. Les
paroles sont déchirés, on perçoit un mal être certain qui
laisse présager que Molko est capable de lyrics incroyables.
Teenage Angst, moins rapide que le titre précédent mais qui porte
une troublante nostalgie se situe a plusieurs degrés de qualités
au dessus de Come Home. Le mal être adolescent a rarement été
aussi bien exprimé par le son. Des arrangements étranges, électriques
et la voix de Molko qui survole le tout de manière fluide et agréable.
Une faculté de suggérer par les paroles implicites et quelques
phrases mémorables "since I was born I started to decay"
font de Teenage Angst une ballade rock de qualité. Au fil des
titres, Placebo s'affirme et monte en puissance. On sent une
alchimie et une complexité dans la musique. Dès ce second titre,
on comprend qu'il y a bien "un style Placebo". Ce
sentiment ne fera que s'accentuer tout au long de l'album.
Le trio enchaîne ensuite avec Bionic, un titre qui semble être
fait pour être joué live tellement il porte une puissance mélodique
en lui. On peut reprocher a cette song la minceur de ses paroles
" harder, faster, forever after" et "none of you
can make the grade " répété mais ceci n'est-il peut être
pas toute l'originalité et la qualité de cette chanson ? Elle
semble porter un message politique teinté d'ironie mais rien ne
fut expliqué à ce sujet. Placebo donne l'impression d'être un groupe révolté,
a fleur de peau. Le son est tranchant, la batterie et
la voix de Brian - unique en son genre - sont en parfaite osmose.
Encore une chanson de 5 mn mais c'est tellement jouissif qu'on en
redemande. Même si je ne parle pas de Stefan et de sa Fender,
sans lui le groupe ne serait pas ce qu'il est. Un groupe partit
pour durer.
S'ensuit une vrai bombe, un pur tube, l'un des sommets de l'album,
36 Degrees. On commence a comprendre que Brian a un évident
talent d'écriture. Il construit ses chansons comme personne. La
musique et les paroles s'harmonise pour former une chanson pleine
de punch et qui possède une identité, celle de Placebo. Les
textes éperdus, d'une rare tristesse contrastent avec la mélodie
qui peut difficilement être plus entraînante. Brian se met a nus
et il le fait bien. Il décrit l'après rupture d'une relation
sentimentale, sa voix semble froide et nerveuse mais lorsqu'elle
monte elle semble difficilement sortir des cordes vocales d'un être
humain. La batterie est vive, la guitare saturée et la basse
rapide, on se sent entraîné, on ne peut pas écouter 36 Degrees
d'une oreille distraite. L'album est déjà totalement captivant
et nous ne sommes qu'à la 4ème chanson.
Après la fougue, Placebo calme le jeu avec une ballade douce-amère
aux textes plus que tordus et dérangeants "Je dois me défoncer
avant de sortir"; "elle a des préservatifs et une fusée
argentée". Les textes de Hang on to your IQ semblent
raconter l'histoire d'un homme qui a des complexes car il a un
sexe minuscule (?!!) Le message dit simplement de s'accepter tel
que l'on est. Dès les premiers accords, on retrouve ce sens innée
de la mélodie. Une batterie calme et les guitares qui s'expriment
derrière la voix de Brian qui sait être douce et planante.
Encore un excellent morceau.
Puis arrive enfin l'un des clous de cet album jusqu'à présent
excellent sous tout rapport. Vous aurez bien sur reconnu Nancy
Boy. Une chanson lente dans le tempo bien que les instruments
hurlent férocement derrière la voix de Molko qui encore une
fois se trouve être bluffante. A se demander d'où elle sort
cette voix ! On retrouve la guitare tranchante au son particulier
et la batterie qui juste avant le refrain nous balance un break
bienvenu. Devinez le sujet de ce morceau ? Le sexe bien sur. Molko
a rarement été aussi provoquant dans ses lyrics. Petit florilège
(en français) de cette compilation de phrases ambiguës qu'est
Nancy Boy : "j'ai perdu mes fringues, j'ai perdu mon
lubrifiant"; "Un amant différent chaque soir";
"Cinquante £, appuie sur le bouton. On y va"; "Le
meilleur coup que j'ai jamais tiré" etc... puis une autre
que j'adore, je ne peut m'empêcher de la mettre en anglais "what
a gas, what a beautiful ass". Vous l'aurez compris, Brian a
des choses a dire et il ne se gène pas pour être lui même et
exprimer ce qu'il ressent. Une personnalité forte et un talent
certain. Placebo est tout ça... Et bien plus encore !
Nouveau temps mort pour une ballade désespérée et terriblement
touchante. I Know, chanson qui commence comme une acoustique et
qui se termine en sursaut intérieur. Comme si jamais elle
n'arrivait a s'exprimer. Comme si tout ceci était tellement désespéré
que le son ne pouvait pas exploser. Les percussions sont lentes,
la batterie semble se révolter légèrement sur le refrain. La
guitare monte en puissance mais elle non plus ne se transcende
pas. Une chanson douce et éperdue toute en sensibilité et en non
dit. Il faut entendre la voix de Brian sur "I know, the past
will catch you up as you run faster". Tout simplement émouvant.
Placebo sait faire bouger. Placebo sait émouvoir. Placebo sait
tout faire.
Après la douceur, retour de la puissance. Bruise Pristine qui
reste l'une de mes préférés de ce premier album est une song a
la mélodie imparable. La voix de Brian n'a jamais été aussi
bien exploitée depuis la début de ce LP. Il passe du grave
"It's either you or me" a l'aigu "in this matrix"
ou bien "serene" avec une déconcertante facilité. La
voix de Brian est vraiment l'empreinte de Placebo. Une voix aérienne,
planante, surnaturelle, mi-homme, mi-femme ou tout simplement
androgyne. A vous
de choisir. Bruise Pristine comporte tout ce qu'il faut de guitare
saturée, la basse est puissante et la batterie toujours aussi
speed. Les paroles sont une nouvelle fois très implicite. Et puis
on peut signaler le "encore" répété en écho après
le refrain et une nouvelle phrase simple mais parfaite, typique
dans les lyrics de Brian, inclue à la fin du chorus, "we were
born to lose". Car combien peut-on relever de phrases clés
dans l'œuvre de Placebo. Quasiment toute les chansons possèdent
des mots justes et simples car Placebo a un sens. Et ce sens
s'affirmera au fil des albums.
Et le trio nous refait le coup, après une chanson speed, une
slow. Lady of the Flowers, une song mélancolique et assez douce même
si une nouvelle fois, les paroles ont un sens. Placebo est
vraiment une œuvre basé sur le sexe, pratiquement toute les
chansons sont remplies de codes, de caractères sexuels mais
pourquoi s'en plaindre. Placebo aurait-il autant de charme s'il ne
possédait pas cette ambiguïté, ce doute sur leur sexualité ?
Brian serait-il aussi touchant, aussi charmant s'il était macho
ou viril ? Le maquillage, le rouge a lèvres fait parti de Placebo
et si l'on aime Placebo, et bien on aime leurs délires. Ce n'est
que mon humble avis. Bon revenons en a Lady of the Flowers et a sa
mélancolie. Première surprise, la voix de Brian pendant les
couplets. Bidouillage technique ? On ne l'entend que très peu
mais elle porte une tristesse accentuée par les guitares. Stefan
joue aussi de la gratte. Particulièrement dans ce morceau. Lors
du refrain la voix décolle légèrement mais ne s'envole pas.
Elle se lance comme une touche d'espoir qui retombe vite et se
refond dans le malheur. A noter aussi la guitare qui se fait bien
sentir pendant le refrain mais on peut regretter une batterie
effacée. Ou on peut apprécier sa non-présence. A vous de voir.
Au final, cette "demoiselle aux fleurs" nous apparaît
comme belle chanson dépressive. C'est déjà pas mal.
Swallow est sans doute le seul morceau d'un album de Placebo que
je n'apprécie pas. Il ressemble a une b-side instrumentale. C'est
un morceau assez étrange dans lequel je n'arrive pas à pénétrer.
Une batterie, une gratte qui ne semble pas être digne de Placebo.
Je n'arrive pas à saisir le sens de ce titre. Jamais si l'on
m'avait fait écouter Swallow, j'aurais dit "c'est du
Placebo". J'aurais même plutôt pensé à Radiohead (que
j'adore également, c'est a signaler). Une percussion africaine
renforce l'étrangeté de la song. Peut être la seule fausse note
de Placebo dans un de leurs albums. Ou peut-être est-ce moi qui
n'ait pas la sensibilité adéquate pour aimer Swallow. Quoi qu'il
en soit, après une album de cette qualité on peut leur pardonner
d'avoir ajouté ce 10eme titre, qui a mon goût n'était pas nécessaire.
Le hidden track de Placebo est une plage instrumentale qui elle se
révèle être de toute beauté. Une ballade sans voix qui fait
planer. Quelques touches de poésie dans la musique. Les 7 mn s'évaporent
doucement en nous et laisse un sentiment de bonheur. Comme si après
la dépression, la noirceur, la rage ou la tristesse, le soleil se
levait a nouveau. Comme si la vie continuait. Brian avouera que le
groupe a créé ce morceau en quasi-impro. Et bien merci pour ce
talent, merci pour être capable de telle prouesses. Ce dernier
titre qui peut sembler anodin respire la pureté et la beauté. Même
la batterie est douce. Après un Swallow étrange et un peu décevant,
Placebo clos son LP de fort belle manière. Comme si Brian et sa
bande avait voulu prolonger le rêve avec ce HK Farewell tendre et
plein d'optimisme. Et tout ça sans paroles. Chapeau Placebo !
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