Accueil > Presse > Alternative Press n°157 : Août 2001

 

  Interview Brian Molko / Stefan Olsdal :

Est-ce que vous vous sentez piégés par votre image? Si je m'attendais à ce que vous jouiez à l'animal rock'n'roll, par exemple et que je commençais à payer des coups et à sortir de la drogue...

Osdal: (se penche avec un sourire de conspirateur) Es-tu en train d'essayer de nous dire quelque chose? [Rires]

Mais ressentez-vous de la pression à vivre à la hauteur de cette image?


Molko: Par le passé, je pense que nous avons été coupables de faire passer le style de vie avant la musique. Maintenant on s'applique à faire ce que nous faisons de notre mieux. Et quand tu as réussi à faire ça, alors tu peux te récompenser et faire un peu le fou. Tant que que tu as assez de temps pour t'en remettre avant le show suivant. Nous ne voulons pas nous décevoir les uns les autres, ou décevoir nos fans, même si peut-être nous ne les avons jamais déçu en embrassant le style de vie rock. Peut-être est-ce ce que nous avions besoin de faire. Mais notre aptitude a la consommation était alors beaucoup plus grande qu'elle n'est maintenant. Des que tu atteins 25 ans, les gueules de bois changent complètement.

Avez-vous découvert des remèdes?


O: Vivre comme s'il y avait un lendemain. Il y a un excellent proverbe chinois: vis comme si chaque jour était ton dernier et comme si tu allais vivre pendant encore 100 ans.

Ce nouveau point de vue est-il simplement une conséquence de l'age?


M: Tu n'es plus la même personne que lorsque tu avais 22 ans. T'as 22 ans, t'as vécu des alloc. et maintenant t'as un disque dans les charts, de l'argent, des gens qui te prétend attention pour la première fois. Putain, tu vas complètement péter les plombs. Mais ensuite vient la dépression post-coïtale. Et c'était "Without you I'm nothing". C'est se réveiller après la fête. Tu regardes les débris autour de toi et les souvenirs reviennent. Tu as honte et tu te mets la tête fermement dans l'oreiller et fait "Oh, non... Pourquoi?"

Sur 'Passive Agressive' du nouvel album, tu chantes "God's in crisis. He's over". Si tu ne crois pas en Dieu, as-tu une puissance supérieure a qui tu fais appel quand tu es a bout?

M: Ouais, mon grand frère. [Rires] J'ai été élevé dans la religion évangéliste. J'ai donné ma vie a Jésus quand j'avais 11 ans, je l'ai reprise quand j'avais 14 ans. Mais cela reste avec toi pendant longtemps. Je me rappelle ma mère me dire "Quand Jésus frappe a ta porte, c'est ton choix d'ouvrir la porte ou de la laisser fermer. Et Jésus frappera pendant un moment, mais ensuite ton cœur s'endurcira et il partira." Et la chanson peut parler de ça, ou ça peut parler de ne pas laisser quelqu'un d'autre entrer dans ton cœur.

Est-ce que ta mère a entendu 'Black-eyed', dans laquelle tu chantes "I'm forever black-eyed, a product of a broken home"?

M: Je ne parle pas de notre musique avec ma mère; mais elle est fière de moi. Je pense que la chanson aurait plus d'effet sur mon père. Il a essayé de me dissuader de poursuivre tout effort artistique que ce soit. Il m'a ignoré pendant la majeure partie de ma vie et puis il a voulu être mon ami quand le succès est arrivé. Je pense qu'il étudie plus les chansons. Et je pense qu'il saisit probablement le message.

C'est une façon inhabituelle de communiquer.

O: C'est nul à chier.

M: Mais c'est ça les familles dysfonctionnelles. Et ça a fait de moi la personne que je suis aujourd'hui. Le fait que ma mère était extrêmement religieuse et que mon père était un homme d'affaires m'a fait me forger ma propre identité a un très jeune age.

Quoi, ton père s'attendait a ce que tu deviennes banquier et ta mère s'attendait a ce que tu deviennes pasteur?

M: T'as mis le doigt dessus. J'étais préparé pour le saint ministère. Mes qualités de chef étaient reconnues et j'avais des études de la Bible particulières avec le pasteur.

Quelle a été l'inspiration pour 'Slave to the wage', alors? Tu n'as jamais eu un boulot normal duquel t'échapper.

M: La chanson te dit d'être un individu, de croire en toi-même et d'avoir le courage de poursuivre tes rêves. Si tu le fais, tes récompenses a la fin sont dix fois plus grandes par opposition à faire ce que tes parents te disent de faire: trouve un bon boulot, maries-toi, ais 2,4 enfants, 1,2 poisson rouge, 3,6 voitures... Pour beaucoup de gens, c'est l'exemple même du succès personnel. C'est la raison pour laquelle tant de gens traverse une crise au milieu de leur vie. Les gens arrivent a un point dans leurs vies et se disent "C'est tout?"

Une carrière dans le rock a ses dangers, aussi. Dans 'Commercial for Levi', tu chantes une liste d'excès qui n'en finit pas, suivi de la supplication "Please don't die". Dans quelle mesure t'adresses-tu a toi-même?

M: En grande partie. A l'époque de 'Without you I'm nothing', j'ai fait beaucoup de mauvais choix de style de vie. Steve et un couple d'amis proches ont du m'attraper par la peau du cou et dire "Tu es mon ami. Je t'aime. Nous dépendons l'un de l'autre. Il faut vraiment que tu, comme dit la chanson, "change ta situation", sinon tu ne vas pas sur la planète pour beaucoup plus longtemps. J'ai eu beaucoup de chance d'avoir ces gens autour de moi.

Alors la chanson elle-même devient presque une puissance supérieure, une voix a l'extérieur de toi disant...

M: Reviens. Tu vaux mieux que ça.

N'as-tu jamais atteint le point ou tout d'un coup l'idée t'est venue de rejoindre "ce stupide club" pour citer la mère de Kurt Cobain -de devenir un rockeur qui meurt a 27 ans?

M: Le monde n'a vraiment pas besoin d'une victime du rock'n'roll de plus -Cobain, Jimi Hendrix, Janis Joplin- nous n'avons pas besoin d'autres victimes comme eux. Je refuse de laisser cela arriver. Cela ne veut pas dire que je suis plus fort qu'eux, mais j'ai juste cette image de moi-même quand je serai vieux, me retrouvant avec Stef et Steve, a 60 ans. Pas en train de faire de la musique, mais en train de se dire "Vous vous rappelez...?" Jusqu'ici mes prémonitions ont été correctes.

Merci à Rozenn pour la traduction