Amazon.fr: Les
critiques semblent toutes vous être adressées personnellement, et elles ont
parfois tendance à oublier votre musique. Vous en souffrez ?
Brian Molko: Bien
sûr. C'est un peu naturel de la part des médias de se focaliser sur les
chanteurs, même si c'est parfois un peu lourd à porter car Placebo est un
groupe avant tout. Nous sommes une entité démocratique composée de trois
personnalités différentes. Notre musique est le résultat de ce mélange, et
notre but est de créer quelque chose de spécial, porteur d'émotions intenses.
Ce n'est pas parce que je suis le chanteur du groupe que je dois nécessairement
être le porte-parole. En France, c'est différent car je suis celui qui parle
le mieux le français.
Amazon.fr: Comment se passe
le travail au sein du groupe ?
Brian Molko: Il
existe une dynamique très forte entre nous et, après quatre ou cinq ans passés
ensemble, nous sommes devenus un gang très solide. La musique est toujours écrite
en premier, à 90 %. C'est à partir de la musique que naissent les textes,
le sujet et puis l'émotion qui les porte. Placebo n'existerait pas sans le
caractère magique que représente notre collaboration à tous les trois, enfermés
dans une pièce, ensemble, à travailler.
Amazon.fr: Votre nouvel
album est disponible depuis le 10 octobre dernier. Entre la sortie de cet album
et la série de concerts qui a suivi, la pression doit être très forte.
Brian Molko: Bien
sûr, tout ça fait nécessairement un peu peur. Nous savions que nous devions
faire un album meilleur que les deux précédents : on a essayé de ne pas
y penser, d'être très naturels. Il y a des gens qui pensent que chez nous tout
est calculé, alors que nous avons une approche très instinctive, en essayant
de ne pas trop penser aux aspects commerciaux. Il est important pour nous de
nous amuser, sinon nous ne pourrions pas réaliser cette rencontre émotionnelle
qui existe entre l'artiste et la musique. C'est une question de passion mais
aussi d'honnêteté, et c'est ce qui compte le plus à nos yeux.
Stefan Olsdal: En
fait, c'est plutôt un soulagement pour moi, parce qu'on a fait de la promotion
pendant deux mois de quelque chose que les gens n'ont pas encore entendu.
Maintenant qu'il est sorti, je suis plus léger. En ce qui nous concerne, nous
étions plutôt sûrs de nous. Lorsqu'on a fini l'album, nous étions assez
fiers. On a eu l'occasion de jouer les morceaux sur scène cet été, et la réaction
du public a été très positive. Il ne nous reste donc plus qu'à croiser les
doigts car cela ne dépend plus de nous à présent.
Amazon.fr: On a beau dire
« je suis un artiste et je dois me consacrer avant tout à ma musique, être
honnête avec moi-même et me placer au-dessus des contingences commerciales »,
il n'empêche qu'après deux albums qui ont marqué, il faut quand même bien
faire des tubes ! Cela représente encore une fois une sacré pression,
surtout quand on sait que les critiques vous présentent comme LE groupe de rock
de cette fin de millénaire…
Brian Molko: C'est
exactement le genre de chose qui vous empêche de dormir. C'est la raison pour
laquelle nous devons faire attention à ne pas nous laisser envahir. Ce n'est
pas nous qui avons prétendu être "l'événement" de cette fin de siècle,
ce sont les médias. Nous ne cherchons pas à nous présenter comme les
meilleurs du monde. En fait, nous sommes comme les autres groupes : nous
nous sommes créé un univers à nous, régi par nos propres règles, et nous
vivons pour ainsi dire dans notre bulle... Il est très important de garder sa
propre identité et de ne pas se laisser détourner de sa voie. Sinon, on risque
de s'embarquer dans quelque chose de calculé, à la recherche de formules qui
font perdre toute spontanéité. C'est vraiment ce que nous cherchons à éviter.
Amazon.fr: Comment se
fait-il que vous parliez aussi bien français ?
Brian Molko: J'ai
grandi au Luxembourg avec Stefan. Lui a appris l'allemand à l'école et moi le
français. J'avais également un grand-père français et c'est une langue que
j'aime beaucoup.
Amazon.fr: Quelles ont été
vos influences musicales ? En tant qu'artiste d'une part, et pour Black
Market Music ?
Brian Molko: À 13
ans, j'étais très fan des Dead Kennedys. Leur musique répondait bien à mon
angoisse d'adolescent. C'était un groupe punk, mais aussi politisé dans son
genre. Dans un autre style, il y avait également Billie Holiday. La grande révélation
a eu lieu vers 16 ans, quand j'ai découvert Sonic Youth. Musicalement, tout a
changé pour moi. Ensuite, ce fut PJ Harvey. Quand nous avons formé Placebo, je
voulais faire fusionner l'émotion des premiers albums de PJ Harvey avec la
dissonance et l'expérimentation de Sonic Youth. C'est là que tout a commencé.
Bien sûr, avec le temps les influences changent, et la musique elle-même
continue à évoluer. Dans le cas du dernier album, on doit bien remarquer que
nous avons écouté beaucoup de dance mais aussi du hip-hop...
Amazon.fr: Quelles
sont les différences majeures entre les trois albums de Placebo ?
Steve Hewitt: Nous
avons mis trois semaines à enregistrer le premier, ce qui est vraiment très
court. L'enregistrement et le mixage du deuxième furent très difficiles. Il y
a eu beaucoup de travail avec le producteur. Et puis, nous n'étions peut-être
pas très biens chacun dans notre vie, pas très installés dans nos relations.
En ce qui concerne la production de notre troisième album, nous nous sommes
vraiment sentis en situation de tout contrôler, du début à la fin. Nous avons
l'impression de nous être améliorés en tant que compositeurs et musiciens.
C'est donc l'album le plus abouti.
Amazon.fr: Quel est votre
meilleur souvenir de scène ?
Stefan Olsdal:
Barcelone, en première partie de U2, dans le stade olympique, devant 80 000
personnes. Il pleuvait, il y avait des lumières sublimes et des super vibrations.
Nous avons évidemment plus d'un bon souvenir, mais celui-là est vraiment
fantastique.
Steve Hewitt: Pour
moi, c'est quand David Bowie est venu nous rejoindre sur scène à New York.
Nous faisions alors la première partie d'un groupe avec lequel on ne
s'entendait pas très bien, et dont on n'aimait pas vraiment la musique. Alors,
quand Bowie est arrivé pour chanter avec nous (ce qui est déjà génial en
soi), il fallait voir la tête des membres de l'autre groupe ! C'était géant !
--Propos
recueillis par Laurent Lavige
|