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  Placebo : L'avis de Brian

Brian Molko et ses acolytes musiciens reviennent sur le devant de la scène avec Black Market Music. Coproduit par le groupe et Paul Corkett, ce nouvel opus accueille des collaborations riches et recherchées comme le rappeur Justin Warfield (ex-One Inch Punch), le batteur et arrangeur de PJ Harvey, Rob Elis. Après avoir longtemps utilisé l'attitude sex, drugs, rock'n'roll, le chanteur laisse son extraversion de côté pour faire exister ce qu'il appelle son "bébé", un album plus profond, plus mûr, plus abouti. Sous ses airs de nonchalance, Placebo accuse la pression et tente une protection face aux enjeux financiers que représentent une telle sortie.
Analyse de la sortie de ce troisième album en compagnie des intéressés : Brian Molko (chant, guitare), Stefan Olsdal (basse, guitare et claviers) et Steve Hewitt (batterie).


Amazon.fr: Les critiques semblent toutes vous être adressées personnellement, et elles ont parfois tendance à oublier votre musique. Vous en souffrez ?

Brian Molko: Bien sûr. C'est un peu naturel de la part des médias de se focaliser sur les chanteurs, même si c'est parfois un peu lourd à porter car Placebo est un groupe avant tout. Nous sommes une entité démocratique composée de trois personnalités différentes. Notre musique est le résultat de ce mélange, et notre but est de créer quelque chose de spécial, porteur d'émotions intenses. Ce n'est pas parce que je suis le chanteur du groupe que je dois nécessairement être le porte-parole. En France, c'est différent car je suis celui qui parle le mieux le français.

Amazon.fr: Comment se passe le travail au sein du groupe ?

Brian Molko: Il existe une dynamique très forte entre nous et, après quatre ou cinq ans passés ensemble, nous sommes devenus un gang très solide. La musique est toujours écrite en premier, à 90 %. C'est à partir de la musique que naissent les textes, le sujet et puis l'émotion qui les porte. Placebo n'existerait pas sans le caractère magique que représente notre collaboration à tous les trois, enfermés dans une pièce, ensemble, à travailler.

Amazon.fr: Votre nouvel album est disponible depuis le 10 octobre dernier. Entre la sortie de cet album et la série de concerts qui a suivi, la pression doit être très forte.

Brian Molko: Bien sûr, tout ça fait nécessairement un peu peur. Nous savions que nous devions faire un album meilleur que les deux précédents : on a essayé de ne pas y penser, d'être très naturels. Il y a des gens qui pensent que chez nous tout est calculé, alors que nous avons une approche très instinctive, en essayant de ne pas trop penser aux aspects commerciaux. Il est important pour nous de nous amuser, sinon nous ne pourrions pas réaliser cette rencontre émotionnelle qui existe entre l'artiste et la musique. C'est une question de passion mais aussi d'honnêteté, et c'est ce qui compte le plus à nos yeux.

Stefan Olsdal: En fait, c'est plutôt un soulagement pour moi, parce qu'on a fait de la promotion pendant deux mois de quelque chose que les gens n'ont pas encore entendu. Maintenant qu'il est sorti, je suis plus léger. En ce qui nous concerne, nous étions plutôt sûrs de nous. Lorsqu'on a fini l'album, nous étions assez fiers. On a eu l'occasion de jouer les morceaux sur scène cet été, et la réaction du public a été très positive. Il ne nous reste donc plus qu'à croiser les doigts car cela ne dépend plus de nous à présent.

Amazon.fr: On a beau dire « je suis un artiste et je dois me consacrer avant tout à ma musique, être honnête avec moi-même et me placer au-dessus des contingences commerciales », il n'empêche qu'après deux albums qui ont marqué, il faut quand même bien faire des tubes ! Cela représente encore une fois une sacré pression, surtout quand on sait que les critiques vous présentent comme LE groupe de rock de cette fin de millénaire…

Brian Molko: C'est exactement le genre de chose qui vous empêche de dormir. C'est la raison pour laquelle nous devons faire attention à ne pas nous laisser envahir. Ce n'est pas nous qui avons prétendu être "l'événement" de cette fin de siècle, ce sont les médias. Nous ne cherchons pas à nous présenter comme les meilleurs du monde. En fait, nous sommes comme les autres groupes : nous nous sommes créé un univers à nous, régi par nos propres règles, et nous vivons pour ainsi dire dans notre bulle... Il est très important de garder sa propre identité et de ne pas se laisser détourner de sa voie. Sinon, on risque de s'embarquer dans quelque chose de calculé, à la recherche de formules qui font perdre toute spontanéité. C'est vraiment ce que nous cherchons à éviter.

Amazon.fr: Comment se fait-il que vous parliez aussi bien français ?

Brian Molko: J'ai grandi au Luxembourg avec Stefan. Lui a appris l'allemand à l'école et moi le français. J'avais également un grand-père français et c'est une langue que j'aime beaucoup.

Amazon.fr: Quelles ont été vos influences musicales ? En tant qu'artiste d'une part, et pour Black Market Music ?

Brian Molko: À 13 ans, j'étais très fan des Dead Kennedys. Leur musique répondait bien à mon angoisse d'adolescent. C'était un groupe punk, mais aussi politisé dans son genre. Dans un autre style, il y avait également Billie Holiday. La grande révélation a eu lieu vers 16 ans, quand j'ai découvert Sonic Youth. Musicalement, tout a changé pour moi. Ensuite, ce fut PJ Harvey. Quand nous avons formé Placebo, je voulais faire fusionner l'émotion des premiers albums de PJ Harvey avec la dissonance et l'expérimentation de Sonic Youth. C'est là que tout a commencé. Bien sûr, avec le temps les influences changent, et la musique elle-même continue à évoluer. Dans le cas du dernier album, on doit bien remarquer que nous avons écouté beaucoup de dance mais aussi du hip-hop...

Amazon.fr: Quelles sont les différences majeures entre les trois albums de Placebo ?

Steve Hewitt: Nous avons mis trois semaines à enregistrer le premier, ce qui est vraiment très court. L'enregistrement et le mixage du deuxième furent très difficiles. Il y a eu beaucoup de travail avec le producteur. Et puis, nous n'étions peut-être pas très biens chacun dans notre vie, pas très installés dans nos relations. En ce qui concerne la production de notre troisième album, nous nous sommes vraiment sentis en situation de tout contrôler, du début à la fin. Nous avons l'impression de nous être améliorés en tant que compositeurs et musiciens. C'est donc l'album le plus abouti.

Amazon.fr: Quel est votre meilleur souvenir de scène ?

Stefan Olsdal: Barcelone, en première partie de U2, dans le stade olympique, devant 80 000 personnes. Il pleuvait, il y avait des lumières sublimes et des super vibrations. Nous avons évidemment plus d'un bon souvenir, mais celui-là est vraiment fantastique.

Steve Hewitt: Pour moi, c'est quand David Bowie est venu nous rejoindre sur scène à New York. Nous faisions alors la première partie d'un groupe avec lequel on ne s'entendait pas très bien, et dont on n'aimait pas vraiment la musique. Alors, quand Bowie est arrivé pour chanter avec nous (ce qui est déjà génial en soi), il fallait voir la tête des membres de l'autre groupe ! C'était géant ! 

--Propos recueillis par Laurent Lavige