Accueil > Presse > Rock Mag n°3 : Janvier 2001

 

  Placebo : Anges déchus

En opérant un petit crochet par le vieux continent, Placebo en a profité pour montrer au public français ce que pouvait donner l’album Black Marker Music en live avant de s’attaquer a Clermont-ferrant, Bordeaux et Nantes, le trio était de passage à Paris pour les deux concerts chargés d’émotion. Un avant-goût de bon augure avant la prochaine campagne française prévue pour mars 2001?

 Samedi 4 novembre : 19h

Échauffements

Une foule d’initiés s’amoncelle peu à peu le long du boulevard des Capucines, puis s’engouffre dans un Olympia sans doute peu habitué à un tel public. La salle se remplissant, la tension monte et l’on s’impatiente. En guise d’amuse gueule, Idlewild qui, malgré une dizaine de chansons énergétique, n’a pas réellement éveillé l’attention de l’audience (peut-être peu réceptive à leur style post-punk assez classique). Roddy Woomble, ayant fait un léger effort vestimentaire comparé à ses camarades de scène, n’a cependant pas brillé par ses performances vocales.

Le  concert

Après un interminable pause, les lumières daignent enfin s’éteindre, s’acclimatant ainsi à l’émotion manifeste qui envahit chacune des âmes présentes ce soir. C’est alors que retentirent les premières notes de  Theme From Funky Reverend invitant ainsi la foule à se déchaîner dès l’entrée en la matière, alors même que le groupe n’est pas encore sur scène. Tout de noir vêtus, nos trois anges déchus apparurent quelques instant plus tard. D’abord Stefan Olsdal (basse) qui a, pour l’occasion, chaussé d’énormes lunettes noires, puis Steve Hewitt qui va directement se nicher, sourire aux lèvres, derrière sa batterie ; et last but not least, Brian Molko qui paraît avoir acquis une assurance qu’on ne lui connaissait pas il y a encore deux ans, au Bataclan. Derrière Steve, sur une grande toile blanche se projettent des photos d’adolescents, en noir et blanc sur lequel on peut lire Mother at 14, My father is my lover... Parmi elles et avec un peu d’attention, nous pouvons reconnaître Steve ou Brian à l’âge de 15-16 ans (I’m scared, inscrit sous ce, déjà très décalé jeune garçon) .

Pendant ce temps, le fascinant trio a pris les choses en mains et enchaîne Days Before You Came, Allergic, Scared Of Girls, puis Haemoglobin pendant que l'on aperçoit un monitoring, (écran montrant un rythme cardiaque) sur lequel se dessine, au bout des 3mn40, la redoutable et angoissante ligne d’horizon qui anéantit tout espoirs. Un passage par le premier album alors s’impose : les accords de Bionic résonnent dans la salle, avec en paysage le logo de Elevator Music en mosaïque. Arrive ensuite 36 Degrees repris en cœur par une audience plus que dynamique. Une ambiance mélancolique s’installe pour Passive Agressive et Blue American honorés par Stefan aux clavier et mis en valeur par un fond de scène représentant le drapeau emblématique des États-Unis en pleine combustion ; geste approuvés par la plupart des détracteurs ici présents. Afin d’effectuer, comme le dit si bien Mr Molko, une pause cigarettes, ce dernier abandonne sa guitare pour se consacrer exclusivement au micro pour Commercial for levi. Subitement, la foule explose, le temps est désormais au fameux "sucker love..."ou Every You Every Me. La suite reste dans les sphères tout aussi majestueuses lorsque s’enchaînent Special  K, un éblouissant Without You I’m Nothing, sans oublier Slave To The Wage accompagné sur écran  de kilos de papiers passés feuille à feuille au destructeur de documents . Notre trio quitte alors la scène laissant là le public, encore abasourdi, se remettre de ses émotions.

Rappel

Après un courte frayeur le groupe fait son retour sur scène et entreprend de revenir aux sources avec Teenage Angst suivi de près par Narcoleptic. Brian se met ensuite au clavier pour Peeping Tom. Les effets visuels se font de plus en plus fort, Taste In Men parvient aux oreilles d’une assistance définitivement conquises en compagnie, sur la toile, d’un individu courant dans une ville en pleine nuit complètement nu (sic) ; Nancy Boy voit cette fois ci un homme on ne peut plus banal se travestir au point de ressembler à un clone des New York Dolls (!).

Comme bouquet malheureusement final : Pure Morning, évidemment dans toute sa simplicité et pourtant tout aussi grandiose. Dernières notes, plutôt amères d’un départ trop rapide, presque frustrant. Fin, les rideaux se baissent. Après une soirée fertile en émotions, les yeux agrandis d’angoisse douloureuse, chacun rentre chez soi .

 Dimanche 5 novembre

On pourrait penser même ville, même combat. Ne vous en déplaise, tous avaient encore plus la rage que le veille : un public assoiffé d’émotions et un groupe d’une humeur étonnement excellente. Tout se déroule dans le même ordre jusqu'à ce que surviennent quelques problèmes techniques (guitare de Brian qui refuse d’obéir aux désirs de son grand maître) qui obligent alors le groupe à improviser avant de lancer Nancy Boy, manifestement une reprise de P.J Harvey. En deux soirs le trio n’a cessé de montrer (et de dire) qu’il aimait son public parisien. En bref, deux concerts, une intensité différentes à chaque fois, mais toujours aussi sublime. A 28 ans depuis le 10 décembre, Brian Molko a encore un bel avenir devant lui et nous donne rendez vous le 20 mars 2001, au Zénith de Paris .

Mélody Girard